Cloud public : attention à la fausse évidence

Rédigé le 04/09/2025
Franck Dunière et Luc Catalan, Dstny France Entreprises

Dans les PME et ETI, la bascule vers le Cloud se fait rarement par conviction, mais davantage par obligation. Un éditeur arrête la version locale de son logiciel ? Vous suivez, parce qu’il faut bien avancer. Une solution devient uniquement accessible en ligne ? Vous migrez, parce qu’en apparence c’est simple, rapide et pratique. Mais avez-vous pris le temps d’évaluer ce que cela change pour votre entreprise ? Ce que cela implique pour la performance de vos outils, la maîtrise de vos flux, ou la continuité de vos activités ?

Franck Dunière et Luc Catalan, experts chez Dstny France Entreprises
Nous accompagnons de plus en plus d’entreprises qui n’ont pas véritablement “choisi” le Cloud : elles y ont été poussées, et mises devant le fait accompli parfois du jour au lendemain, par un éditeur qui abandonne le modèle installé au profit d’une offre 100 % SaaS. Ce n’est pas un projet de transformation mûrement réfléchi, mais une bascule imposée. Et avec elle surgit toute une série d’effets secondaires que les équipes n'ont pas forcément toujours le temps d’anticiper.

Le dirigeant, de bonne foi, pense avoir fait ce qu’il fallait. Il valide la transition en croyant simplifier son organisation, réduire ses coûts, se libérer d’une complexité technique. Ce qu’il découvre ensuite, parfois brutalement, c’est que l’outil ne fonctionne plus sans une connexion performante. Que ses données ne lui appartiennent plus totalement. Que ses sauvegardes, son historique, sa capacité à rebondir en cas d’incident dépendent désormais d’un fournisseur distant, souvent étranger, qu’il ne connaît pas et qu’il ne peut même pas contacter directement.

Nous aimons dire que le réseau, c’est le sang de l’entreprise numérique. Et comme pour tout organisme vivant, si la circulation est ralentie, bloquée, mal orientée, ce sont tous les organes (donc tous les métiers) qui en pâtissent. Une entreprise connectée sans maîtrise de ses flux, c’est une organisation vulnérable, même avec les meilleures intentions stratégiques.

On ne le dira jamais assez : le Cloud public, ce n’est pas l’Eldorado. C’est un modèle d’externalisation qui a ses avantages indéniables (évolutivité, mutualisation, réduction de la maintenance…), mais aussi ses angles morts. En particulier pour les entreprises qui manipulent des données critiques, qui ont besoin de fluidité ou d’un niveau élevé de maîtrise.

Il existe des alternatives : l’hybridation, par exemple, qui consiste à garder certaines briques en local, en datacenter souverain, ou en colocation, tout en migrant les autres. C’est une approche plus fine, plus agile. Elle permet de répondre à la réalité de l’entreprise, à ses contraintes métiers, à son rythme de transformation.

Dans certains cas, nous recommandons aussi des “architectures fantômes” : répliquer tout ou partie d’un environnement critique dans un site de proximité, pour permettre une continuité d’activité minimale, même en cas de coupure réseau. On pourrait se risquer à dire “un peu à l’ancienne”, d’une certaine manière. Mais ce n’est pas une démarche passéiste : c’est une stratégie d’anticipation.

Les PME ne veulent pas toujours tout externaliser ; certaines préfèrent garder leurs outils SaaS (ERP, CRM, SIRH, messagerie…) à portée de main, d’autres veulent pouvoir redémarrer leur activité en cas de coupure majeure. Ce sont des réflexes de bon sens. Et aujourd’hui, ils font toute la différence.

Migrer dans le cloud public ne doit jamais être un réflexe par défaut. Pour les PME, c’est un choix stratégique qui mérite d’être anticipé, adapté et encadré. Qu’il s’agisse de garder ses applications métier en local, de prévoir des relais en cas d’incident, ou de conserver une forme de souveraineté sur les flux critiques, l’enjeu n’est pas de “suivre le mouvement”, mais de rester maître de ses outils, de ses données, et de sa continuité d’activité. Choisir de manière consciente, éclairée et entourée : voilà le véritable enjeu pour les PME.